vendredi 12 février 2010

Lettre ouverte à Laurent Lafon, Maire de Vincennes

Monsieur le Maire,


Je souhaitais prendre rendez-vous avec vous personnellement au sujet de mon immeuble, situé au 151 rue de Fontenay, que vous avez placé en emplacement réservé. Je voulais vous rencontrer afin, d’une part, de vous expliquer l’histoire de ce bâtiment qui appartient à ma famille depuis 3 générations et, d’autre part, afin que vous me rassuriez au sujet de ces emplacements réservés qui peuvent se transformer en expropriation.

Pendant des années, mes grands-parents ont eu des locataires soumis à la loi de 1948, et ce jusqu’en 2007 pour l'un d'entre eux ; 500,00 francs par trimestre pour un 54 m2 à Vincennes, ce n’est pas ce qui permet de faire un ravalement de façade, mais là n’est presque pas la question.

Mon grand-père logeait en plus des locataires de la loi de 1948, des jeunes gens qui débutaient leur vie active et, comme sa façade n’était pas propre, il pratiquait des loyers modiques, là c’est le chat qui se mord la queue.
Ma famille n’a jamais fait d’argent sur cet immeuble mais elle a donné un toit à des gens qui n’auraient peut être pas pu se loger sur Vincennes.
J’y habite depuis 14 ans, mes enfants sont nés ici, mon frère et sa femme ainsi que leur futur enfant sont également dans cette maison, mon oncle, ma tante et leur fille y vivent depuis plus de 30 ans, nous nous y sentons chez nous à juste titre, il me semble, en tout cas il me semblait jusqu’à ce que vous choisissiez de le réserver. Vous aviez 5 critères de sélection pour ces emplacements, dont deux qui nous concernent : façade vétuste et monopropriété.

Vous n’avez pas voulu me recevoir, j’ai été convoquée par contre par vos services techniques, qui m’ont révélé que c’était la loi, celle du droit urbain, que j’aurais dû lire les panneaux d’affichage de la mairie, me manifester plus tôt, que l’expropriation n’était pas à l’ordre du jour du conseil municipal de la mi-décembre mais qu’en effet elle n’était pas exclue, d’autant que nous n’avons aucune intention de vendre… pas de vente, pas de préemption.

Ma grand-mère avait signé un devis pour le ravalement de la façade, mais depuis que nous savons que nous sommes en emplacement réservé, tout est bloqué, l’argent et les projets, à quoi bon si vous nous prenez l’immeuble ? Surtout au prix où vous le rachèteriez, cela ne permettrait de reloger qu’une seule famille de l’immeuble sur Vincennes, et les autres ? Où irions-nous ? En HLM comme me l’a rétorqué votre conseillère ? Je me sens dans cet appartement chez moi, mes enfants également, j’ai un petit revenu qui ne me permettrait pas d’habiter ailleurs, et peut-être même pas assez grand pour être éligible aux HLM de Vincennes. Alors déshabiller Paul pour habiller Jacques, je ne trouve pas que cela soit opportun.

Notre immeuble est très beau, en témoigne que vous avez classé le 173 rue de Fontenay en architecture remarquable, et qu’il est identique au mien, bévue ou facilité ?
En témoignent aussi les nombreuses signatures d’architectes sur notre pétition commune pour la sauvegarde de notre patrimoine, celui de ma famille et celui des Cailliez injustement menacé aussi.

Je ne comprends pas, je reste ébahie, abasourdie face à ce que je ressens comme une injustice. Depuis 14 ans que j’habite ici, j’ai vu nombre d’immeubles se construire, des immeubles de « Haut standing » majoritairement bâtis par le même promoteur, Monsieur Christian Courtois, maintenant on nous dit il n’y a plus de foncier à Vincennes, ne fallait-il pas y penser un peu plus avant d’accorder des permis de construire pour des logements qui n’abritent aucune place au social ?
Je dors mal, j’ai peur, vivre avec une épée de Damoclès au dessus de son toit n’est pas vivre, surtout quand on sait qu’elle peut tomber tous les 3 mois et ce, pendant 30 ans. A chaque approche du conseil municipal je tremble à l’idée que mon adresse, mon toit peut être à l’ordre du jour.

Vous aviez aussi communiqué dans le Vincennes Info en 2007 que ces mêmes emplacements réservés serviraient à faire 100% de logements sociaux, or j’apprends l’année passée que vous avez passé un contrat avec l’EPFIF qui s’engage à racheter tous ces emplacements, à la place de la mairie, mais qu’en échange de ce service, il construira 50% de logements sociaux et 50% de logements « standing ». Là, en plus de la peur de perdre mon toit, je m’insurge contre ce revirement. Que je sois à la rue pour loger des plus nécessiteux, passe encore, mais des mieux lotis que moi, j’ai du mal à le digérer.


Camille Rabette
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mercredi 10 février 2010

Comment le conte du 5/7 de la rue du Clos de la Cave est devenu le cauchemar du 5/7 de la rue de la Paix


C'était une petite maison dans la prairie quand elle a été bâtie vers 1860 par une demoiselle, à côté d’un vignoble, avec des écuries et un jardin donnant sur l’avenue de la République : aujourd’hui les écuries sont sur le terrain des voisins et le jardin est devenu une cour pour faire place à un immeuble de cinq étages au 75, avenue de la République. Plusieurs propriétaires s’y sont succédé et la rue du Clos de la Cave est devenue la rue de la Paix ; les derniers propriétaires ont dit que c’était la maison du bonheur ! Aujourd’hui, quatre copropriétaires se partagent les lieux et plus de 10 habitants vivent dans les neuf pièces de la maison, qui trouvent, eux aussi, que c’est une maison heureuse et même "la maison du Bon Dieu", car elle en a vu passer du monde : invités, étrangers du monde entier, personnes en difficulté, étudiants, et les familles élargies !

Mais voilà qu’en 1993 un arrêté de péril est pris pour l’îlot d’à côté, au 1 et 3 rue de la Paix, et c’est là que les ennuis commencent ! Impossible de faire les travaux de ravalement de la façade sur rue du 5 et 7 alors que pendant des années l’immeuble mitoyen est étayé par des poutres sur le trottoir : En 2000, le conseil municipal décide finalement d’acquérir ces immeubles et d’en faire des logements sociaux, mais début 2001 tout change quand le lot est vendu à un promoteur, lequel voudrait acquérir le 5 et 7, mais la maison du bonheur n’est pas à vendre !

Et les travaux de construction d’un immeuble de standing commencent, au lieu des logements sociaux prévus…, et les ennuis avec. Il faut des années de procédure pour que les problèmes de mitoyenneté soient résolus et que le ravalement de la façade du 5 et 7 puisse enfin se faire, en 2007. Mais entre temps un stagiaire à la mairie est passé par là pendant l’été 2006 : la façade n’est pas encore ravalée, c’est une sacrée aubaine pour classer la maison en emplacement réservé pour réaliser les logements sociaux qui n’ont pas vu le jour au 1 et 3… Quelle ironie !

C’est ainsi que la maison du bonheur est devenue le port de l’angoisse…

Famille Cailliez


P.S.: Le stagiaire n’a pas vu que le terrain est trop petit pour les logements sociaux prévus. Lors des 2 enquêtes publiques du PLU, le commissaire-enquêteur, lui, a bien compris que la réservation de cette parcelle était injustifiée et il l’a écrit dans son rapport, mais la mairie n’en a tenu aucun compte.

Si le jusqu’au-boutisme continue à prévaloir, qu’adviendra-t-il donc ? La destruction de la maison et son remplacement par un tout petit immeuble sans âme, pour un coût total important, un minimum de logements sociaux, des familles hors de chez elles et une perte irréversible pour le patrimoine vincennois… Au bénéfice du bien public, vraiment ?...
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